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ALLOCUTION DE M. FRANÇOIS TAVENAS, RECTEUR DE L'UNIVERSITÉ LAVAL ET PRÉSIDENT DE LA CRÉPUQ, À L'OUVERTURE DU COLLOQUE RECHERCHE EN PÉDAGOGIE UNIVERSITAIRE, LE VENDREDI 27 AVRIL 2001, AU PAVILLON LA LAURENTIENNE DE L'UNIVERSITÉ LAVAL, QUÉBEC

Chers collègues,
Mesdames et Messieurs,

C'est avec un plaisir double, en tant que recteur de l'université Laval et comme président de la CREPUQ, que je vous accueille à l'Université Laval pour ce colloque portant sur la recherche en pédagogie universitaire. C'est en collaboration avec l'Université McGill que l'Université Laval et la CREPUQ ont organisé cette activité importante qui a reçu l'appui du Fonds FCAR.

Je dois avouer une très grande satisfaction personnelle à vous voir réunis en si grand nombre pour discuter du développement de la recherche en pédagogie universitaire. C'est en effet un sujet qui me tient à cœur depuis plus de dix ans. En préparant mon intervention d'aujourd'hui, je me suis rappelé mes présentations devant la Commission fédérale sur la formation universitaire présidée par Stuart Smith en 1990, devant divers comités permanents de la Chambre des Communes et du Sénat canadien; Je me suis aussi rappelé diverses interventions auprès des autorités gouvernementales canadiennes et québécoises. J'ai longtemps eu l'impression de prêcher dans le désert en appelant à un effort accru de recherche et développement en pédagogie universitaire. Le thème du colloque d'aujourd'hui, votre présence ici ainsi que plusieurs initiatives gouvernementales montrent que les choses commencent à bouger; je m'en réjouis.

Le colloque d'aujourd'hui n'est pas un événement isolé, et il s'inscrit dans toute une suite d'activités coordonnées par la CREPUQ pour favoriser l'intégration des technologies dans l'enseignement universitaire. Il fait suite aux " Journées PROF&TIC " de novembre 1999 et à la journée d'étude " Université, TIC et droit d'auteur " de janvier 2000. Avec le présent colloque, près de 400 personnes auront pris part à ces assises.

En février 1999, la CREPUQ adoptait un important énoncé de principes et d'orientations sur la " Mise en valeur des technologies de l'information et des communications pour la formation universitaire ". Dans ce document, fruit de trois années de réflexions, de discussions et d'échanges, les universités québécoises mettaient de l'avant trois principes directeurs, quatre grands objectifs et trois stratégies principales de réalisation pour réussir l'intégration des TIC dans la vie universitaire.

Le tout premier de ces principes directeurs mis de l'avant dans ce document c'est " La pédagogie d'abord ". Le premier des objectifs est défini comme étant " La qualité de la formation et de l'encadrement ". Et enfin, une des stratégies centrales proposée est de mettre l'accent sur " La recherche et développement en pédagogie ". Ce colloque est donc une rencontre importante, un moment fort, d'une stratégie à long terme qui vise à assurer que l'intégration des TIC à l'Université ne sera pas laissée pour compte dans les développements et les changements qui attendent l'université au cours des prochaines années.

En effet, c'est l'efficacité accrue de la relation pédagogique qui doit être la préoccupation centrale dans nos efforts de mise en valeur des technologies de l'information et des communications en formation. Ces dernières ne sont pas des substituts à cette relation, mais devraient la nourrir, la transformer et la renforcer qualitativement. Du point de vue de la pédagogie, toutes les possibilités nouvelles que les TIC offrent n'ont d'intérêt que dans la mesure où elles permettent d'améliorer la formation de l'étudiant en créant une meilleure relation avec la connaissance, que ce soit par des échanges plus actifs avec le personnel enseignant, par une relation collaborative entre les étudiants eux-mêmes ou par un travail autonome facilité par des outils interactifs informatisés qui permettent, en particulier, de tirer le meilleur profit des ressources d'information accessibles sur l'inforoute.

Je lisais récemment un article du grand spécialiste français de la communication, Dominique Wolton, dans lequel, parlant de la confusion qui semble s'installer dans beaucoup d'esprits entre les moyens technologiques qui servent la communication à l'ère de l'Internet triomphant et la substance même de cette communication, il soulignait très justement ceci :

" Le plus compliqué dans la communication n'est pas le message mais la manière dont les hommes le reçoivent et l'utilisent dans le temps. Plus le monde sera petit, plus le décalage entre la vitesse des échanges et la lenteur de la communication sera grande. "

Cette remarque tout à fait pertinente s'applique particulièrement au domaine de l'enseignement : nous devons faire tous les efforts possibles pour ne pas nous laissez captiver par la technologie au point d'oublier l'essentiel, c'est à dire l'amélioration de la qualité de la formation et, surtout, de l'apprentissage par nos étudiants.

À cet égard, l'intégration des TIC doit faire en sorte que la pédagogie soit encore mieux centrée sur l'étudiant. Une telle intégration vise à améliorer la formation des étudiants en facilitant leur insertion poussée dans ces communautés intellectuelles dont les universités sont parties prenantes. C'est ainsi que ces dernières pourront mieux répondre aux besoins et exigences des étudiants, ainsi qu'aux attentes sociales, culturelles, critiques, professionnelles et économiques de la société.

Or, force est de constater que, même si des efforts et des investissements croissants sont consentis pour l'achat d'équipements et la formation du personnel enseignant et que l'intégration des TIC en enseignement connaît un essor important, il n'y a encore que très peu d'activités de recherche et développement sur la pédagogie dans des environnements interactifs. Comment les TIC influencent-elles la qualité de l'apprentissage et de la formation, quelles sont les pistes à explorer pour maximiser les bénéfices et diminuer les effets pervers des applications pédagogiques intégrant les TIC ? Il apparaît important d'assurer que des ressources suffisantes soient allouées à cette fin et qu'un éclairage scientifique vienne contribuer à guider les développements nombreux et coûteux dans ce domaine.

Afin d'encourager et de développer ce regard critique sur les applications pédagogiques des TIC, les universités québécoises doivent être en mesure d'accroître les ressources financières allouées à ce secteur de recherche. Traditionnellement, la pédagogie a été un des parents pauvres du financement public de la recherche. Dans le contexte de transformation rapide des paramètres d'enseignement que provoque l'arrivée des nouvelles technologies, il est impératif de corriger cette situation. Il faut sans attendre doter les chercheurs des ressources nécessaires pour qu'ils suivent de près ces transformations, évaluent la portée des TIC dans le processus d'apprentissage et expérimentent les diverses applications pédagogiques de ces nouveaux outils.

Pour ce faire, il importe de dédier une partie plus grande des fonds de recherche aux activités de recherche et de développement en pédagogie. Les efforts consentis par certains organismes tels le FCAR, le Bureau des technologies d'apprentissage, le Réseau des centres d'excellences sur le télé-apprentissage ou le CRSH sont louables, mais ils s'avèrent encore insuffisants. Il faudra tenter de rendre accessibles de nouvelles ressources et les consacrer exclusivement à ce secteur de recherche.

Le 8 février dernier, le Comité consultatif pour l'apprentissage en ligne, créé par le Conseil des ministres de l'Éducation du Canada et Industrie-Canada a déposé un important rapport intitulé " L'évolution de l'apprentissage en ligne dans les collèges et les universités ". Le Comité, dont je faisais partie en compagnie de douze chefs d'établissements d'enseignement supérieur et de six hauts dirigeants d'entreprises, constatait que :

" Il faut vraiment plus de recherche théorique et appliquée sur l'apprentissage tant classique qu'en ligne. Cette recherche devrait être axée sur la façon dont les gens apprennent, sur les façons différentes d'apprendre, sur la façon dont les gens entreprennent leur apprentissage et le poursuivent pendant toute leur vie et sur les meilleurs moyens d'inculquer des connaissances. Les efforts d'exploration et de compréhension du processus d'apprentissage continu exigeront beaucoup de réflexion et d'importants investissements… Cette recherche devrait être largement multidisciplinaire et axée sur les enjeux, les problèmes et les résultats. Elle nécessitera d'importants investissements nouveaux dans la recherche, investissements gérés de façon originale."

Selon les données de l'OCDE, le Canada dépense plus par habitant dans l'éducation que presque tous les autres pays du monde. En 1998-1999, les Canadiens ont consacré au total environ 60,5 milliards de dollars à l'éducation, domaine qui ne cède le pas qu'à la santé. La recherche et le développement sur l'apprentissage sont des facteurs essentiels pour s'assurer que cet argent est dépensé judicieusement et sont aussi cruciaux pour faire en sorte que les enseignants au postsecondaire soient en mesure d'exploiter les possibilités des technologies.

Or, il nous faut constater que nos investissements en recherche et développement ne sont pas à la hauteur. Il suffit pour s'en convaincre de se rappeler que les pratiques mondiales en matière de recherche et développement se situent à hauteur de 2 % du PIB; 2 % de 60 milliards de dollars, c'est 1,2 milliard de dollars ! On est bien loin du compte lorsqu'on regarde nos efforts actuels.

Le Comité consultatif s'est montré très réceptif à mes interventions en faveur d'un effort accru en R & D en pédagogie universitaire pour finalement formuler des recommandations précises au Gouvernement canadien pour que cet objectif se réalise concrètement avec des moyens financiers appropriés. Le Comité est en effet d'avis que ni la jeune industrie canadienne des produits logiciels didactiques, ni les établissements d'enseignement post-secondaire du Canada ne peuvent financer seuls une démarche de recherche et de développement de cette ampleur. Les gouvernements devront donc investir davantage dans ce secteur. Pour qu'ils donnent des résultats, ces investissements devront être substantiels et à long terme. En outre, c'est de l'argent frais qu'il faudrait investir à cette fin.

Il est, je crois, utile de rappeler trois des recommandations majeures du Comité consultatif à ce chapitre :

Recommandation 4.5
Afin de relever le défi du nouvel environnement d'apprentissage et d'accroître l'efficacité de l'enseignement traditionnel et de l'apprentissage en ligne, il faudrait prévoir de nouvelles subventions substantielles à long terme pour :
a) la recherche appliquée et théorique sur l'apprentissage traditionnel et en ligne;
b) le développement de produits logiciels didactiques.

Recommandation 4.6
Pour que la recherche sur l'apprentissage soit compatible avec les responsabilités d'enseignement des établissements post secondaires, seuls les établissements canadiens subventionnés par le secteur public, leurs enseignants et les consortiums de ces établissements devraient être admissibles à l'aide financière.

La troisième recommandation est encore plus précise et importante:
Recommandation 4.7
Afin de répondre au besoin national de recherche appliquée et théorique sur l'apprentissage (aussi bien traditionnel qu'en ligne) à tous les niveaux et dans chaque discipline, le gouvernement fédéral devrait :
a) accorder des ressources supplémentaires aux conseils subventionnaires existants (CRSH, CRSNG et IRSC) pour faciliter cette recherche, sous réserve de la création d'un comité de coordination central formé de représentants des trois conseils et chargé de superviser la recherche en question; ou
b) créer un quatrième conseil subventionnaire ou un programme distinct pour faciliter cette recherche sans lien de dépendance avec le gouvernement
.

Il va sans dire que, si ces recommandations s'adressent plus particulièrement au gouvernement canadien qui a commandité l'étude de concert avec le Conseil des ministres de l'Éducation du Canada, elles ne doivent pas moins interpeller le Gouvernement du Québec, responsable au premier chef de l'éducation et du financement des universités. Au moment où le Fonds FCAR et le CQRS s'apprêtent à prendre une cure de jouvence, et à être restructurés en profondeur, il est essentiel que la recherche en pédagogie, particulièrement dans le contexte des mutations profondes et durables induites par les TIC, soit reconnue à part entière et reçoive une aide financière nouvelle et importante au Québec.

Comme vous pouvez le constater, la recherche en pédagogie universitaire, plus particulièrement dans le contexte des TIC est à l'ordre du jour! Il nous appartient de faire en sorte qu'elle le reste, et que des moyens concrets et nouveaux fassent que le momentum dont elle bénéficie ne soit pas perdu.

Je vous souhaite donc des échanges riches et fructueux. Les rapports et les recommandations qui viendront de vos ateliers feront l'objet d'une synthèse qui nous permettra, j'en suis convaincu, de continuer à démontrer aux gouvernements et aux bailleurs de fonds:

Je tiens à remercier plus particulièrement les principaux organisateurs du colloque, les professeurs Laura Winer de McGill et Donald Fyson ainsi que Yves M. Giroux, de l'Université Laval. Un grand merci également au Fonds FCAR qui a apporté son soutien financier à l'organisation de ce colloque. Sans leurs efforts et leur intelligence, ce colloque n'aurait pas eu lieu. Bon colloque à tous !

 
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