Monsieur le Secrétaire général,
Monsieur le Récipiendaire d'un doctorat honorifique,
Messieurs les Professeurs émérites,
Distingués invités,
Chers collègues,
Chers diplômés,
Parmi les tâches accomplies par le recteur au cours d'une année, la collation des grades est sans aucun doute la plus réjouissante. C'est en effet l'activité qui célèbre l'accomplissement de la mission de l'Université, sa raison d'être: la formation de personnes compétentes qui vont contribuer au développement de la société.
Je veux m'adresser d'abord à vous, chers diplômés, pour vous dire que l'Université est fière de vous. Vous vous êtes fixé un idéal élevé. Vous avez fait preuve de détermination, d'intelligence, de ténacité. Vous récoltez aujourd'hui le fruit des ces efforts soutenus. Les longues heures d'étude sont choses du passé et, dans quelques instants, vous aurez en main la preuve de votre réussite.
Cette année, les collations des grades revêtent une teinte particulière puisque, vous le savez sans doute, l'Université Laval célèbre en 2002 le 150e anniversaire de l'octroi de sa charte par la reine Victoria et le 340e anniversaire de la fondation du Séminaire de Québec, l'institution d'où elle tire ses origines.
Ces anniversaires nous donnent l'occasion de jeter un regard sur le riche héritage que nous ont légué nos prédécesseurs. Saviez-vous que, parmi les premiers diplômés de l'Université Laval se trouvent des personnes qui ont joué un rôle marquant dans leur milieu?
Le temps me manque évidemment pour les énumérer tous. Je dirai simplement quelques mots de Benjamin Pâquet, prêtre catholique, théologien, professeur et administrateur scolaire.
Benjamin Pâquet termine ses études de baccalauréat ès arts à l'Université Laval en 1854. Ordonné prêtre en 1857, il est attiré très tôt par l'enseignement. L'Université Laval, qui voit en lui un futur professeur de théologie, l'envoie à Rome pour y poursuivre ses études. Il obtient un doctorat en théologie en 1866 et revient à Québec.
Il est alors professeur à la Faculté de théologie jusqu'en 1879, mais il est aussi doyen de cette faculté à partir de 1871. Il a été l'un des plus ardents défenseurs de l'Université Laval dans la controverse entre le Séminaire de Québec et l'évêque de Montréal, Mgr Bourget, autour d'un projet d'établissement d'une université à Montréal.
Il occupe ensuite les fonctions de procureur du Séminaire de 1879 à 1885 et de directeur du Grand Séminaire en 1885-1886. L'année suivante, on le nomme supérieur du Séminaire et recteur de l'Université, responsabilités qu'il assumera jusqu'en 1893, où il redevient directeur du Grand Séminaire.
Benjamin Pâquet était un homme d'action qui évoluait assez bien parmi les divergences d'opinion. Dans la notice biographique qui figure à son nom dans le Dictionnaire biographique du Canada, on dit qu'"il donnait des conseils, mais [qu']il aimait surtout qu'on les suive".
Chers diplômés, vous êtes les héritières et les héritiers de ces diplômés remarquables qui ont fait progresser la société en leur temps. L'exemple de Benjamin Pâquet me donne l'occasion d'insister sur l'importance de développer tous vos talents, et non pas seulement vos compétences spécialisées, lorsqu'on exerce des professions telles que les vôtres, si proches de l'être humain et qui touchent un grand nombre de sphères d'activité.
Vous avez donc choisi d'étudier la philosophie, les sciences de l'éducation ou les sciences religieuses. Vous avez choisi de transmettre des connaissances à vos semblables ou de les éclairer sur les grandes questions qui préoccupent l'être humain depuis toujours. La tâche n'est pas mince, mais la formation que vous avez reçue vous a munis du bagage nécessaire pour l'accomplir. Vous aurez donc à jouer un rôle professionnel prépondérant dans la société, puisque - je m'adresse ici surtout aux futurs enseignants - vous transmettrez non seulement des connaissances, mais aussi des principes, des valeurs. Pour vos élèves, vous serez en effet des modèles et, en ce sens, votre profession est unique. Cette particularité vous obligera, je crois, à accorder une attention particulière au perfectionnement de vos connaissances et de vos compétences, même si le milieu où vous évoluerez me semble malheureusement pas accorder à cet aspect toute l'importance qu'il mérite, à en juger par l'évolution récente des négociations entre l'État et les syndicats d'enseignants. Pourtant il s'agit là d'un sujet de la plus haute importance pour un professionnel et je vous invite à bien y penser lorsque vous aurez à vous prononcer sur la professionnalisation de l'enseignement dont les médias nous parlent abondamment.
Vous vous souviendrez aussi que les responsabilités de l'enseignante et de l'enseignant seront accrues dans un contexte où l'intelligence des personnes est devenue la principale richesse des nations. C'est à vous en effet que revient la tâche de donner à chaque enfant les moyens d'exploiter pleinement ses capacités intellectuelles et d'en faire un citoyen capable de justice et de solidarité dans un monde où les inégalités sociales sont flagrantes. L'éducation est le moyen grâce auquel l'être humain peut acquérir la capacité de décider à bon escient et de devenir un citoyen responsable. Dans notre monde de plus en plus complexe, c'est par l'éducation que notre jeunesse peut s'ouvrir à la diversité des cultures et des réalités sociales, économiques et politiques qui marqueront le développement de nos sociétés. Vous aurez donc une lourde responsabilité à assumer, et votre rôle sera déterminant pas seulement dans vos classes, mais dans tous les aspects de votre vie puisque vous devrez offrir à tous les jeunes dont vous aurez la responsabilité un modèle de comportement professionnel et un modèle de citoyen responsable. Je suis convaincu que l'excellente formation que vous avez reçue à l'Université Laval vous aidera à assumer pleinement cette responsabilité au service de notre jeunesse et de l'avenir du Québec.
Les philosophes et les théologiens occuperont une place de plus en plus importante dans notre société trop axée sur l'utilitarisme. La tendance à l'individualisme, la férocité de la concurrence, l'écart grandissant entre les riches et les pauvres nous imposent un retour à des valeurs fondamentales de solidarité, d'éthique et de justice. Les préoccupations croissantes à l'égard de l'éthique et de la bioéthique offrent des avenues prometteuses pour les diplômés en philosophie et en théologie. En cette époque de technologie conquérante, les réactions de l'être humain et son adaptation à un monde en perpétuelle mouvance requièrent de plus en plus un renforcement des valeurs morales et une réflexion sur la maîtrise de la technologie par l'humain. C'est là que vous aurez un rôle à jouer.
Certains d'entre vous continueront leurs études aux cycles supérieurs. Je vous encourage à le faire. La recherche dans vos domaines disciplinaires connaît un développement important. Que ce soit dans la foulée de l'informatisation galopante, qui nous donne de nouveaux outils pédagogiques puissants mais qui nous force à mieux comprendre les processus d'apprentissage et à mettre au point de nouvelles approches pédagogiques, ou sous les effets de la mondialisation, qui oblige à considérer sous un jour nouveau la protection des valeurs morales, de l'éthique et de la justice sociale, la recherche ouvre des horizons extraordinaires. Les études supérieures vous permettront de développer vos aptitudes à l'analyse de problèmes complexes, votre sens critique, votre capacité de prendre des décisions éclairées, toutes choses importantes pour vous assurer une carrière professionnelle réussie.
Dans les années à venir, nous compterons sur vous pour nous faire part des changements qui toucheront votre profession afin que nous puissions adapter nos programmes de formation. C'est à cette seule condition que l'Université pourra maintenir le niveau d'excellence sur lequel repose sa réputation.
Maintenir l'excellence de la formation et de la recherche est en effet notre plus grande préoccupation. Et c'est ce degré d'excellence que l'Université veut mettre en valeur chez deux professeurs en leur décernant aujourd'hui le titre de professeur émérite. Permettez-moi de vous les présenter sans tarder.
Paul Godbout fait figure de précurseur au Département d'éducation physique où il met en place différents programmes de formation des éducateurs physiques. Son enseignement porte particulièrement sur la mesure et l'évaluation.
Doté d'un talent naturel de chef de file, Paul Godbout remplit plusieurs fonctions administratives telles que secrétaire de la Faculté des sciences de l'éducation, directeur du Département d'éducation physique et président de nombreux comités de développement et de révision des programmes de premier cycle. De plus, il contribue à l'implantation des programmes de maîtrise et de doctorat sur l'intervention en éducation physique.
Membre fondateur du Groupe de recherche sur l'intervention en activité physique, ses recherches portent en particulier sur l'analyse des pratiques évaluatives des éducateurs physiques par des méthodologies alliant les aspects quantitatifs et qualitatifs.
La production scientifique de Paul Godbout représente une contribution remarquable à l'élargissement des connaissances sur l'efficacité de l'enseignement en général et sur les apports de la mesure et de l'évaluation en particulier. Il publie plus de 80 articles dans des revues scientifiques et participe à la présentation de près d'une centaine de communications au Canada, aux États-Unis et en Europe.
Nommé Commandeur de l'Ordre du mérite sportif de la République de Côte d'Ivoire en 1989, Paul Godbout est aussi corécipiendaire du Research Writing Award décerné, en 1983, par l'American Association for Health, Physical Education, Recreation and Dance. Son livre La préparation d'un champion, rédigé avec deux de ses collègues, est primé par la Confédération des sports du Québec, par le Service des sports et loisirs de la Ville de Montréal, par le Comité organisateur des Jeux olympiques de Montréal, par le Conseil supérieur du livre et par la Bibliothèque nationale. Toujours pour le même ouvrage, on lui remet le prix Donation J.A. Samaranch de l'Association internationale des écoles supérieures d'éducation physique à Bâle en Suisse en 1978.
Homme de cur et de tête, Paul Godbout continue de diriger les travaux d'étudiants tout en maintenant une activité intense de recherche. Ses récents travaux sur l'évaluation authentique et la mesure dans les sports collectifs montrent bien sa rigueur dans la compréhension des grandes questions qui touchent l'éducation.
Paul Godbout, l'Université Laval vous remercie.
Je vous présente maintenant le professeur Jean Richard. M. Richard se spécialise dans les questions de théologie systématique. Au début de sa carrière, en accord avec le contexte théologique du temps, il articule son enseignement autour des thèmes liés à la théologie de saint Thomas. Quelques années plus tard, il se captive pour l'étude de la théologie philosophique de Paul Tillich. Jean Richard s'intéresse également aux théologies américaines, notamment les théologies séculières, et aux théologiens dits "de la mort de Dieu". Les rapports entre la philosophie et la religion le passionnent, de même que ceux qu'entretiennent la théologie, la société et la culture.
Jean Richard se distingue par la qualité de son enseignement et par sa créativité pédagogique, notamment par la production d'activités d'enseignement à distance. Plusieurs générations d'étudiants reconnaissent sa grande disponibilité et sa générosité comme pédagogue et comme directeur de recherche, notamment au sein du Groupe de recherche sur Troeltsch et Tillich. Toujours soucieux d'améliorer les programmes d'enseignement, Jean Richard assure la direction des programmes de deuxième, puis de troisième cycle à la Faculté de théologie et de sciences religieuses, de 1983 à sa retraite de l'enseignement en 1999.
Auteur de plus d'une centaine de publications et de chapitres d'ouvrages collectifs, Jean Richard déploie une intense activité de diffusion de la recherche. Rédacteur pendant une quinzaine d'années de la revue Laval théologique et philosophique, il codirige la publication de la traduction française en plusieurs volumes des uvres de Paul Tillich, dont l'édition se poursuit jusqu'à maintenant. Par ailleurs, il contribue à l'organisation de plusieurs colloques internationaux, dont le Colloque Troeltsch-Tillich - Pour une nouvelle synthèse de la religion avec la culture de notre temps à Québec en 2000.
En 1989, en reconnaissance de sa carrière exceptionnelle, l'Institut protestant de théologie de Montpellier lui décerne un doctorat honoris causa.
La contribution de monsieur Jean Richard à la théologie nord-américaine et à la théologie de la culture est en tout point remarquable. Encore aujourd'hui, elle se poursuit et accroît le rayonnement de la Faculté de théologie et de sciences religieuses et de l'Université Laval.
Jean Richard, l'Université est heureuse de vous décerner le titre de professeur émérite.
Au nom de l'Université, en mon nom personnel, mais surtout au nom de tous les étudiants et les étudiantes qui ont bénéficié de votre compétence, je veux vous féliciter, Messieurs Godbout et Richard, et vous remercier sincèrement pour votre dévouement envers votre faculté et votre université.
Chers diplômés, voilà deux modèles dont vous pouvez vous inspirer. N'oubliez pas que ces professeurs ont commencé par recevoir un diplôme, comme vous aujourd'hui.
L'Université Laval décerne aujourd'hui également un doctorat d'honneur en théologie à Mgr Maurice Couture, archevêque de Québec et primat du Canada. M. Marc Pelchat, doyen de la Faculté de théologie et de sciences religieuses, présentera dans quelques instants cette personnalité remarquable, ce grand humaniste que l'Université Laval se réjouit d'accueillir parmi ses diplômés.
Il est temps de clore ce discours, car je crois sentir votre impatience de tenir enfin le diplôme que vous méritez. Chers diplômés, je vous offre mes sincères félicitations pour cette réussite remarquable. J'associe à cet hommage tous ceux et celles qui vous ont appuyés dans votre cheminement et qui participent aujourd'hui à votre succès: vos parents, votre conjoint, vos amis et, surtout, vos professeurs et tout le personnel de l'Université. Ce sont eux qui, par leur compétence et leur engagement professionnel, ont facilité cette étape de votre vie et qui ont fait de l'Université Laval un milieu d'apprentissage stimulant.
Une cérémonie de cette envergure nécessite, vous vous en doutez bien, une organisation parfaite. Je tiens à remercier le personnel du Bureau du secrétaire général, en particulier celui de la section des diplômes, ainsi que le personnel du Service des communications, pour leur dévouement au cours des dernières semaines. C'est grâce à toutes ces personnes que cette célébration peut se dérouler sans anicroche et rester dans votre mémoire comme une grande fête.
Je vous souhaite un avenir heureux et rempli de succès au service de vos concitoyens et, tout particulièrement, de cette jeunesse qui porte l'avenir de notre société. Et pour conclure, j'emprunte une expression de l'honorable Raymond Chrétien, récipiendaire d'un doctorat honorifique de l'Université Laval et je vous dis : " Allez, le monde vous attend ".