Monsieur le président,
Distingués invités de la table d'honneur,
Mesdames et Messieurs et chers amis,
Je suis honoré d'être à votre tribune ici ce midi, et je veux remercier sincèrement votre Chambre de cette invitation. C'est la première fois que je suis ainsi invité à prendre la parole à l'extérieur de l'Université Laval et à témoigner de l'ouverture de notre établissement à la société qui la supporte. Cette occasion tombe particulièrement bien, et ce, pour trois raisons principales.
Tout d'abord, dans une semaine, le 15 octobre, cela fera un an que j'ai été élu recteur de l'Université Laval. Cet événement demande que je vous dise, à vous et à la communauté régionale par votre entremise, ce qui s'est passé chez nous depuis ce temps. L'Université Laval est une des très importantes organisations dans notre milieu, avec un budget global de l'ordre de 650 millions de dollars et des retombées économiques s'approchant annuellement du milliard. Ce qui lui arrive est important non seulement pour la communauté universitaire de plus de 40 000 personnes, mais pour toute notre région et au-delà.
Deuxièmement, il y a deux semaines, je me présentais devant la Commission parlementaire de l'éducation pour faire ouvertement et publiquement le point sur le développement de votre université. Les médias, comme ça leur arrive parfois, n'ont pas très bien rapporté mes propos, et mon allocution de ce midi me permet donc de rétablir certains faits.
Enfin, troisièmement, vous êtes en droit de savoir dans quelle direction la plus ancienne université canadienne s'oriente pour poursuivre sa mission d'enseignement, de recherche et de service à la communauté, parce que de ces orientations dépendent pour une bonne part la poursuite du progrès à tous les plans de notre société et de vos entreprises par l'innovation et le transfert des applications de la recherche faite dans nos facultés.
Depuis un an...
Que se passe-t-il à l'Université Laval ? Beaucoup
d'eau a coulé sous les ponts depuis que je suis en fonction.
J'accédais alors à la direction d'une communauté
universitaire incertaine de la direction à suivre. Je me
suis donc attelé à la tâche de recréer
le plus possible l'unité sans laquelle aucune organisation
ne peut vraiment progresser. Les chefs d'entreprise parmi vous le
savent aussi bien, sinon mieux que moi. Le règlement de plusieurs
conventions collectives ces derniers mois, dont celles de nos employés
de soutien, de nos professionnels et de nos professionnels de recherche,
démontre des résultats plus qu'intéressants
pour le climat sur le campus.
J'ai également choisi les membres de mon équipe de vice-recteurs et de vice-rectrices qui m'assistent dans la direction de l'Université Laval. Je dois vous dire que je suis assez fier d'avoir, pour la première fois dans une université québécoise, sinon canadienne, nommé un nombre égal d'hommes et de femmes dans ces fonctions, des collègues dont je suis heureux de souligner publiquement l'engagement, la chaleur, le sens de la communication et, il faut bien l'ajouter, l'agenda complètement fou Cette équipe de direction a été bien accueillie par notre communauté et elle est au travail depuis.
Second volet de mon action, j'ai établi très tôt des contacts avec les dirigeants politiques et sociaux de notre milieu et avec les directeurs généraux des cégeps de notre région afin de poursuivre et de développer l'ouverture et les partenariats amorcés par mes prédécesseurs. J'ai aussi volontiers accepté, vendredi dernier, d'assumer la présidence du Comité Québec Capitale, comité dont fait partie votre Chambre. Cette table de concertation vise d'une part à ce que le gouvernement du Québec gouverne à partir de sa capitale et, d'autre part, se veut complice de tout projet favorisant le développement de notre région. Une université ouverte, ce sont des stages en milieu de travail, des conférences publiques, des partenariats nombreux avec des acteurs de notre ville. C'est donc beaucoup de choses, mais c'est aussi un recteur en prise directe avec son milieu social et ses acteurs principaux.
Troisième volet de mon activité, j'ai poursuivi le travail de persuasion des autorités gouvernementales au sujet de l'urgence du projet d'agrandissement et de rénovation du pavillon Ferdinand-Vandry, qui abrite présentement nos facultés de médecine et de pharmacie. Interrompu pour cause de campagne électorale, ce travail a repris de plus belle dès l'assermentation de la nouvelle équipe ministérielle le printemps dernier. Dix des 24 ministres du nouveau cabinet étant des diplômés de Laval, voilà qui a peut-être aidé cette démarche qui a abouti à l'annonce par le premier ministre, il y a trois semaines, d'un investissement initial de 40 millions pour lancer ce projet estimé à quelque 65 millions. Le ministère de l'Éducation ajoutera 10 millions, et l'Université Laval a déjà lancé une campagne de souscription de 15 millions de dollars pour compléter le financement requis.
Enfin, quatrième volet de mes actions de nouveau recteur, mes collègues et moi-même avons entrepris de réfléchir aux orientations stratégiques que nous voulons privilégier au cours des prochaines années. Amorcé en mai, le processus d'élaboration est rendu à l'étape de la consultation de la communauté. Dans une université où doivent prévaloir la liberté d'expression et la pensée critique, tout progrès ne peut être accompli qu'en collégialité. C'est dans cet esprit que nous avons élaboré les orientations présentement en consultation, orientations que nous entendons présenter à nos instances décisionnelles d'ici la fin de l'automne.
Voilà donc résumés rapidement les grands volets de cette première année de mon mandat de recteur. Le travail n'a pas manqué. Mais déjà, les résultats sont prometteurs.
Le travail de nos professeurs
J'en viens à la deuxième partie de mon discours. Je me suis présenté devant la Commission parlementaire de l'éducation le 25 septembre dernier dans le cadre de la loi 95 qui oblige les dirigeants d'université à rendre compte de leur gestion. Cette comparution a duré trois heures, et bien des sujets ont été abordés. Nous avons fait état des progrès remarquables de l'Université Laval à tous égards, de son budget équilibré en 2003-2004, de ses fonds de recherche qui ont atteint 270 millions en 2002-2003, et ainsi de suite. À la fin de ma présentation, je concluais ainsi mes propos et je cite ici le Journal des débats: " En conclusion, nous progressons bien mais la situation financière reste difficile et, à cet égard, l'Université Laval vit la même situation que les autres universités québécoises. Elle espère comme elles le maintien du réinvestissement gouvernemental dans l'enseignement supérieur pour éviter tout glissement vers une relative médiocrité. " Fin de la citation. Les députés membres de la Commission ont paru satisfaits des réponses que mes collègues et moi-même leur avons fournies. Bref, un bel exercice d'ouverture, de transparence et d'imputabilité.
Aussi, quelle ne fut pas ma surprise, le lendemain, de voir un journal rapporter ma présentation en première page avec le titre : " Les profs de Laval enseignent de moins en moins. " Il est regrettable qu'un pareil titre ait été publié, surtout lorsque je sais qu'il a été tiré d'un échange avec une députée où j'ai expliqué en long et en large l'alourdissement de la tâche des professeurs en raison de facteurs fondamentaux qui sont les suivants.
Les coupures de subventions des années quatre-vingt-dix n'ont pas permis le remplacement intégral des professeurs partis à la retraite, loin s'en faut. Nous fonctionnons donc aujourd'hui avec beaucoup moins de professeurs qu'il y a dix ans. Pendant ce temps, le nombre d'étudiants est demeuré stable ou augmente légèrement à chaque année. Aux études avancées, nous approchons le seuil de 25% de notre population étudiante inscrite à la maîtrise et au doctorat, alors que cette proportion était inférieure à 20 % il y a quelques années seulement. Ce progrès remarquable demande un encadrement professoral accru. Au premier cycle, le contrat de performance signé avec le gouvernement nous demande - et nos professeurs le fournissent - un accompagnement plus suivi et étroit des étudiants, surtout durant leur premier trimestre d'études, le plus difficile pour beaucoup d'entre eux.
Enfin, du côté de la recherche, l'Université Laval est passée de 100 millions de dollars par année en 1996 à 270 millions aujourd'hui. Ce sont les professeurs qui vont chercher ces sommes dans des concours d'organismes subventionnaires de plus en plus exigeants en terme de temps et complexes en termes de montages financiers. Tout cela m'incite à dire et à répéter une fois de plus que la tâche de nos professeurs s'est beaucoup, beaucoup, beaucoup alourdie. C'est vrai en bien des endroits dans notre société que les gens travaillent plus, mais c'est vrai aussi chez nous. J'ai aussi dit aux députés qu'il y a une limite à ce que les universités peuvent faire pour poursuivre leur développement et qu'elles auront besoin d'oxygène à cette fin.
Parlant d'oxygène, le gouvernement s'est engagé à tenir une commission parlementaire, l'hiver prochain, sur toute la question du financement des universités. Pour notre part, nous préparerons cet automne la position que nous irons présenter et soutenir devant cette commission. Je lance un appel à votre Chambre afin qu'elle s'intéresse aux travaux de cette commission, qu'elle se prépare et fasse entendre sa voix parmi toutes celles qui seront présentes à cette occasion. Les universités forment les futurs professionnels dont notre société a besoin et que beaucoup d'entre vous recevez en stage ou engagez dans vos entreprises. Vous avez le droit de demander la meilleure formation possible de nos diplômés dans tous les domaines, pour beaucoup vos futurs employés. Les conditions dans lesquelles les universités québécoises réalisent leur mission de formation sont vos affaires aussi. Je vous invite donc à être présents l'hiver prochain pour faire entendre votre point de vue sur cette question préoccupante.
Nos orientations
Dans la dernière partie de ce discours, permettez-moi de dire quelques mots de nos orientations pour le futur. Dans le titre de mon allocution, je disais de Laval qu'elle est une université ouverte et créatrice, au cur de la cité. Notre université est ouverte.
Par exemple, l'internationalisation de la formation, qui est l'ouverture sur le monde, non seulement ne plafonne pas, mais progresse à un rythme étonnant chez nous. À la fin de 2002-2003, 118 programmes, tous cycles confondus, avaient intégré le profil international grâce à la signature de 258 protocoles de mobilité avec des universités étrangères. 536 de nos étudiants ont effectué cette année-là des séjours d'études à l'étranger dans 44 pays, soit 26% de plus que l'année antérieure. Nous avons donné en juin dernier deux fois plus de diplômes portant la mention " profil international " que l'année précédente. L'Université Laval est pionnière en matière d'internationalisation et, de plus en plus, pour les étudiants des collèges du Québec, l'internationalisation, c'est à Laval que ça se passe.
Autre exemple d'ouverture sur les milieux de travail, notre Service de placement qui fête ses dix ans cette année. En 1993, lorsque le Gouvernement du Canada a décidé de fermer ses bureaux d'emploi situés sur les campus universitaires, mon prédécesseur Michel Gervais a décidé que l'Université Laval ne pouvait se passer d'un tel service, et il a créé le Service de placement. Ce service vient d'être jugé le meilleur service de placement universitaire du Québec, et le deuxième au Canada. Ce service est et demeure votre lien privilégié vers les nouvelles ressources universitaires. Vous avez tout à gagner en devenant partenaire du Service de placement de l'Université Laval tant pour l'embauche de nouveau personnel que pour des stages de formation en milieu de travail.
L'Université Laval est non seulement ouverte, elle est créatrice. Elle fut la première université québécoise à créer avec le CHUQ une société de valorisation des applications de la recherche, la SOVAR, afin de faciliter les partenariats en matière de développement technologique. La SOVAR veut rapprocher les innovations et les découvertes issues de la recherche du produit commercialisable, et elle le fait avec des résultats probants, puisque plus de cent technologies ont été évaluées à ce jour et dix entreprises dérivées ont été créées attirant des investissements de 13 M $. Vous savez, si la région de Québec a connu cet été un taux de chômage de 5,4 %, c'est aussi grâce à l'action et à l'ouverture de l'Université Laval depuis deux décennies.
Autre illustration de notre créativité, le club de football Rouge et Or, qui est devenu un véritable phénomène social à Québec et au Québec, grâce à l'implication de gens d'affaires du milieu qui ont agi là aussi en partenariat avec nous pour le créer et en faire un succès. Le fait que notre club gagne régulièrement aide aussi au succès, cela va de soi Ce que cette créativité démontre, c'est que votre université est attentive aux besoins de la société, qu'elle est à l'écoute.
Comme dernier exemple d'ouverture, nous avons entrepris le virage entrepreneurial au sein même de la formation que nous offrons. L'Université Laval se prépare à intégrer un profil entrepreneurial dans ses programmes d'études pour donner à ses étudiants, peu importe la discipline choisie, les outils requis pour lancer leur propre entreprise, pour prendre en main leur propre avenir. Nous ne visons rien de moins que d'éveiller et de développer de nouvelles compétences en ce sens chez nos étudiantes et étudiants. Unique au Québec, ce cheminement est élaboré en concertation avec des conseillers en réalisation de projets à vocation économique, communautaire et culturelle d'Entrepreneuriat à Laval et avec les directions de programmes. À l'instar du profil international, la mention "profil entrepreneurial" figurera sur le diplôme des étudiants et étudiantes qui s'y engageront et réussiront.
Conclusion
Il est temps pour moi de conclure. Comme vous, je commence à avoir faim J'espère vous avoir démontré que votre université est une maison ouverte sur son milieu et qu'elle va bien, même si son financement demeure encore incertain et insuffisant. Une étude, réalisée par la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec et le ministère de l'Éducation l'an dernier, indique qu'il manque aux universités québécoises 370 millions de dollars pour qu'elle aient un financement égal à celui des universités des autres provinces canadiennes. Pour l'Université Laval qui représente environ un cinquième du réseau universitaire québécois, c'est 70 millions qui manquent dans notre budget annuel. Ce n'est pas rien, et le gouvernement en est conscient.
Ce que cela veut dire du même coup, c'est que nous réussissons, à une fraction du coût des établissements universitaires nord-américains, à former année après année les professionnels dans tous les champs du savoir dont notre société a besoin, dont vos entreprises ont besoin. Nous réussissons ce tour de force grâce à nos professeurs et aux autres personnels enseignants, grâce à nos professionnels et à nos employés administratifs dont je souligne publiquement ici l'engagement et le dévouement.
Enfin, nous réussissons également
ce tour de force en raison du soutien actif de nos diplômés
ici et ailleurs au pays et dans le monde. Notre association des
diplômés compte maintenant plus de 22 000 membres cotisants,
soit une hausse de plus de 4 000 membres par rapport à l'année
2001-2002, et elle a 45 clubs et réseaux de diplômés
au pays et dans le monde, ce qui contribue de façon substantielle
à maintenir le sentiment d'appartenance de nos diplômés
et leur appui à leur alma mater.
Lorsque fut fondée l'Église luthérienne en
1530, quelque 66 institutions qui existaient à cette époque
existent toujours aujourd'hui, dans une forme reconnaissable : l'Église
catholique, l'Église luthérienne, les parlements de
l'Islande et de l'île de Man, et 62 universités. L'université
est une des institutions les plus durables de nos sociétés.
Mais pour durer, elle doit compter son seulement sur ses forces
propres, mais aussi sur le support et l'appui du milieu où
elle est enracinée et avec lequel elle travaille.
Je souhaite vivement que l'Université Laval, qui est ouverte et créatrice comme jamais, qui est aussi votre université, puisse compter en tout temps sur votre soutien actif et enthousiaste.
Je vous remercie.