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" Québec : un progrès à poursuivre " - Allocution de M. Michel Pigeon, recteur de l'Université Laval, au déjeuner de la Chambre de commerce de Québec, le mardi, 15 mars 2005, à la salle de bal du Château Frontenac

Distingués invités de la table d'honneur,
Mesdames et Messieurs et chers amis,

Je suis, et mon entourage peut le confirmer, un éternel optimiste. Vous ne serez donc pas surpris que, par mon discours intitulé " Québec : un progrès à poursuivre ", j'espère pouvoir vous faire partager une vision optimiste du progrès de notre région.

En premier lieu, je rappellerai les progrès de Québec depuis un quart de siècle. Ensuite, j'évoquerai les défis que la poursuite de ce progrès nous pose, à nous tous. Enfin, en troisième partie, j'indiquerai comment l'Université Laval entend continuer à agir comme un partenaire majeur et indispensable de ce progrès.

Nous sommes en 2005. 1980, c'était, déjà, il y a un quart de siècle. Les gens de ma génération ont parfois peine à réaliser que, oui, nous sommes au 21e siècle. En 1980, la ville de Québec s'appelait " la vieille capitale ". Sa vitalité économique reposait, pour l'essentiel, sur deux activités majeures : la présence du gouvernement du Québec, d'une part, et le tourisme, d'autre part.

Des années '60 jusqu'au début des années '80, les fonctions publiques provinciale et fédérale pouvaient, dans certains secteurs, offrir de l'emploi à la moitié de nos diplômés. Mais cette époque est révolue.

Si, en 1980, les hommes avaient marché sur la lune, l'informatique balbutiait. On nous promettait, je le rappelle, que l'informatique signifierait un bureau sans papier. Internet était réservé aux échanges de quelques scientifiques surtout américains. La téléphonie cellulaire était de la science-fiction, et les guichets automatiques appartenaient au futur.

Au plan politique, notre région était fractionnée, et l'instance politique principale, la CUQ, n'arrivait pas à contrer les guerres de clocher locales. Du côté du gouvernement du Québec, la lente dérive d'un bon nombre de centres de décisions politiques et d'organismes gouvernementaux vers la métropole se poursuivait, sans que cela inquiète vraiment.

Dans ce contexte, sous l'impulsion de visionnaires comme Jean-Guy Paquet, est apparue l'idée d'une troisième voie de progrès régional, une voie tournée vers l'avenir. Cette voie, c'était le transfert des résultats de la recherche scientifique, notamment de la recherche faite à l'Université Laval, dans des entreprises innovantes de haute technologie.

Assez rapidement, les choses se sont mises à changer. À l'Université Laval, la recherche s'est développée et structurée. Nous sommes passés rapidement de 300 à plus de 1 000 chercheurs subventionnés. Le Parc technologique du Québec métropolitain a été créé, de même que de la Société de promotion économique du Québec métropolitain, la SPEQM. En 2001, sous l'impulsion de votre Chambre, un rapport a mené à la transformation de la SPEQM en un nouvel organisme de développement économique, Pôle Québec Chaudière Appalaches.

Où en sommes-nous, aujourd'hui ? Contrairement à ce que l'on entend parfois, je crois que le résultat des dernières 25 années de travail est exceptionnel et mérite d'être mis en relief. J'en esquisse quelques traits.

Au plan politique, nous avons depuis 15 ans à Québec un maire qui a fait de très grandes choses. Il a embelli, fait progresser et rayonner notre ville. Il l'a unie. Il l'a aussi rendue attirante, ce qui est majeur pour poursuivre son développement. Nous sommes aussi dotés maintenant d'une Commission de la capitale nationale qui contribue au progrès de notre milieu. Plus encore, le Gouvernement s'est donné une politique relative à la Capitale, et tous les mémoires soumis au conseil des ministres sont maintenant examinés à la lumière d'une clause capitale, qui permet d'évaluer l'impact sur notre milieu des décisions gouvernementales.

Du côté de l'économie, Statistique-Canada nous apprenait que le taux de chômage au Québec en février 2005 était à 8,0 %. À Québec, cette fois, ce même taux était de 5,5 %. Non seulement vivons-nous dans une des plus belles villes du pays et du continent, mais voilà que notre taux de chômage est de 2,5 % inférieur à la moyenne provinciale. Pour les friands de statistiques, on peut également souligner que le taux d'activité, pour la même période, était de 68,2% à Québec contre 67,9% à Montréal.

Au plan du développement technologique issu de la recherche universitaire, je ne suis pas certain que tout le monde ici ce midi sache, par exemple, que le centre de recherche du CHUL est le plus important centre de recherches biomédicales au Canada, tant par le nombre de chercheurs qui y sont rassemblés que par les fonds de recherche recueillis.

La seule usine de vaccins au Canada est ici, à Québec, qui travaille à fournir présentement les quelque 55 millions de doses manquantes de vaccin aux Américains. Des entreprises comme Aeterna, Infectio-Diagnostic, Diagnocure ou Anapharm, sont nées ici et sont maintenant présentes partout dans le monde.

Parmi la vingtaine d'entreprises en optique-photonique de la région de Québec , 15 ont été fondées par des finissants ou des ex-employés de l'Université Laval. Il en va de même pour les centres de recherche et d'expertise avancée comme l'Institut national d'optique (INO) qui contribuent grandement au dynamisme de l'économie régionale, notamment par la création d'entreprises. Je ne parle pas ici de Mississauga ou de ville Saint-Laurent. Je parle de Québec. Nous avons donc progressé de façon remarquable, même si des défis subsistent, et c'est la seconde partie de mon discours.

En effet, pour maintenir notre progrès, nous faisons face à un certain nombre de défis politiques, économiques et sociaux que nous devons relever ensemble.

Au plan politique, nous vivrons en 2005-2006 une période de transition avec le départ du maire L'Allier de la politique active. Mais quelles que soient les personnes qui seront élues à la direction des villes de Québec et de Lévis en novembre prochain, les maires devront pouvoir compter sur la collaboration active des principaux leaders socio-économiques pour collaborer au développement économique et au maintien d'un leadership régional fort. Si une période électorale peut être source de division, une fois l'élection passée, nous avons tous et toutes un devoir de collaboration avec ceux ou celles que la population a choisis. J'indique à l'avance que la collaboration de l'Université Laval leur est acquise.

D'autre part, il est vrai que le statut de capitale politique de notre ville demande une attention constante. Vous savez tous et toutes que Québec, par une bizarrerie géographique bien connue des gens d'ici, est beaucoup plus éloignée de Montréal que Montréal de Québec. Je peux vous dire, à cet égard, que le nouveau ministre responsable de la région de la Capitale m'a déjà assuré de sa vigilance et de sa collaboration pour faire en sorte que ce que le gouvernement doit faire dans sa capitale s'y déroule effectivement. Bien sûr, tout n'est pas parfait, mais, comme je l'ai indiqué il y a un moment, nous avons plus d'outils qu'il y a dix ans pour contribuer au développement de Québec, la capitale politique.

Au plan économique, je veux saluer le travail fait jusqu'ici par Pôle Québec Chaudière-Appalaches. Pôle a en effet identifié des secteurs cibles de développement qui correspondent à la fois à la capacité de recherche et d'innovation et à la réalité industrielle de notre milieu, les deux rives confondues. Ces secteurs sont les sciences de la vie, santé et nutrition, celui des technologies appliquées, et celui des matériaux transformés, c'est-à-dire plastiques et matériaux composites et la deuxième transformation du bois.

Pour poursuivre notre progrès régional, nous devrons travailler à faire avancer certains dossiers vitaux. Par exemple, nous devons convaincre les gouvernements supérieurs de désenclaver Québec et d'améliorer ses liens avec le reste de la province et du continent. Le fait que le ministre responsable de la Capitale soit maintenant aussi le ministre des transports n'est pas tout-à-fait neutre, en l'occurrence. La liaison rapide ferroviaire Québec-Montréal est importante pour nous tous, et vous savez que ce n'est pas encore acquis.

Il en va de même pour l'accroissement des liaisons aériennes à partir de Québec. Je souligne l'action du Groupe d'action sur les liaisons aériennes, le GALA, qui continue de faire un très bon travail à cet égard. Ce n'est pas un effet du hasard si le nombre de passagers à l'Aéroport Jean-Lesage est passé de 626 000 en 2003 à 711 000 en 2004, une croissance de près de 15%. Un autre problème se profile à l'horizon : dans 10 ans, les parcs industriels de la région seront remplis à capacité. Voilà qui va demander à nos élus vision et planification.

Enfin, nous faisons face à des enjeux sociaux importants. Le premier et sans doute le plus important, c'est la démographie. Non seulement notre population vieillit-elle, mais elle ne se reproduit pas assez pour assurer sa croissance. Nous nous dirigeons tout droit vers une pénurie de main-d'œuvre qui risque, si rien n'est fait, de heurter de plein fouet nos entreprises et de miner leur développement.

Votre Chambre de commerce et la Ville de Québec ont pris des initiatives heureuses visant à attirer plus d'immigrants dans notre milieu. Je les félicite. À l'Université Laval, nous accueillons annuellement plus de 3 500 étudiants étrangers, dont 1 000 possèdent déjà un visa d'immigrant. En unissant nos efforts, il sera possible de retenir à Québec un plus grand nombre de Néo-Québécois qui trouveront chez nous un milieu de vie et de travail ouvert et accueillant.

Cette ouverture à l'immigration n'est pas une question de mode : nous avons un vif besoin que des immigrants viennent s'installer chez nous pour collaborer au progrès de notre région : il en va du maintien de notre prospérité.

Toujours au plan social, je crois que pour maintenir notre progrès nous devrons prendre l'habitude de parler, sur les dossiers majeurs, avec une seule voix. Je souhaite vivement que nous développions tous le réflexe de l'unité régionale sur les dossiers majeurs stratégiques de notre développement, et je suis disponible, le cas échéant, pour collaborer à la constitution de l'unité régionale lorsque des enjeux le demandent. C'est le genre de service que le recteur de l'Université Laval peut rendre au milieu.

Toujours au chapitre des défis, je ne peux passer sous silence l'importance pour notre région d'un financement accru de ses universités et de la recherche qui s'y fait. Je souscris à la demande de l'ensemble des universités québécoises pour que le gouvernement nous donne les moyens de demeurer compétitifs avec le reste du pays. Mais j'ajoute que l'Université Laval, pour sa part, fait face à un sous-financement annuel qui lui est propre de l'ordre de 11 M$ depuis 2000-2001, tel qu'établi par des travaux de la Conférence des recteurs et du ministère de l'Éducation. J'espère que le nouveau ministre de l'Éducation entendra rapidement cet appel à l'aide qui est critique - je pèse mes mots - pour l'Université et la région.

Cela dit, tous ces défis ne sont pas insurmontables, bien au contraire. Mais j'insiste : nous devrons apprendre, mieux qu'auparavant, à parler d'une voix unie auprès des gouvernements, si nous voulons être entendus.

Jusqu'ici, j'ai rappelé les progrès de Québec depuis un quart de siècle et j'ai évoqué les défis auxquels nous faisons face. Il me reste, en conclusion, à vous indiquer à quel point l'Université Laval entend continuer à agir comme un partenaire majeur du progrès de notre région.

Je suis fier du rôle joué jusqu'ici par l'Université Laval dans les efforts de diversification de l'économie de notre région. Je veux saluer le travail en ce sens de mes prédécesseurs, Jean-Guy Paquet, Michel Gervais et François Tavenas. Sous la direction de ces trois recteurs, l'Université Laval a développé sa recherche, a voulu en transférer les applications pour favoriser le développement d'entreprises de haute technologie ici. Elle s'est ouverte à la région, tant du point de vue du développement économique, que social et culturel. Elle s'est ouverte également à l'internationalisation de la formation de ses étudiants.

Il y a un autre virage majeur que nous effectuons présentement. Nous introduisons un profil entrepreneurial dans nombre de nos programmes, afin de donner la possibilité à nos étudiants et étudiantes de démarrer leur propre entreprise. Ce virage est déjà reconnu, puisqu'il y a quelques semaines à Montréal, l'Université Laval, première université québécoise à se mériter cet honneur, a reçu le Prix Paul-Arthur Fortin remis par la Fondation de l'entrepreneurship québécois.

Nous avons reçu ce prix parce que nous avons créé et implanté le profil entrepreneurial dans 20 de nos programmes de baccalauréat. De plus, selon une étude de l'Université Brock en Ontario que j'aime citer, l'Université Laval s'est classée première au Canada en 2003-2004 pour la variété de la formation offerte en entrepreneuriat, l'intégration de cette formation dans les facultés et le nombre d'étudiants inscrits à un cours en entrepreneuriat.

En favorisant ainsi l'apprentissage entrepreneurial, nous contribuons donc à améliorer encore plus l'employabilité de nos finissants. Nous voulons ainsi dépasser le seul concept de l'apprentissage du savoir pour offrir à nos diplômés cette valeur ajoutée qu'est le savoir-faire.

Au-delà de l'impact économique de plus d'un milliard et demi de dollars provenant de la seule présence de l'Université Laval au cœur de la nouvelle ville de Québec, nous maintenons notre engagement envers le progrès de notre région en lui fournissant année après année dans toutes les disciplines (du droit, à la médecine, en passant par l'administration, le génie et les sciences sociales) des professionnels ouverts sur leur milieu et sur le monde, qui se distinguent par leur capacité de communication, leur capacité de travail en équipe, par leur possession de plus d'une langue, etc. C'est la preuve, s'il en faut une, qu'un investissement dans l'Université, est, en bout de ligne, un investissement dans notre milieu.

Je termine. Oui, nous avons remarquablement progressé ici, à Québec, depuis un quart de siècle. Oui, des défis s'offrent à nous, et je crois qu'en favorisant l'unité de nos actions, nous saurons les relever. Pour favoriser cette unité et notre développement, nonobstant les difficultés, nous devons aussi communiquer notre optimisme et avoir confiance en nous. Une des clés d'un futur prospère, c'est une vision positive et optimiste.

Robert Lepage, dont le théâtre Ex Machina a le plus haut chiffre d'affaires des théâtres canadiens grâce à l'exportation, disait au Soleil il y a quelques semaines, que " Québec a un pouvoir qu'elle ne sait pas qu'elle a ". Je suis d'accord, et j'espère que vous le serez aussi.

Nous ne serons jamais Montréal ou Toronto : nous sommes destinés à être différents, nous sommes destinés à être meilleurs. Je vous remercie.

 
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