entete Université Laval

Allocution prononcée par M. François Tavenas, recteur de l'Université Laval, devant l'association des membres de l'Ordre des palmes académiques, le lundi 24 mai 1999, à 11 h 30,
au Grand salon du pavillon Maurice-Pollack

Monsieur le Président national de l'AMOPA,
Monsieur le Président du Comité organisateur du Congrès,
Chers membres de l'Ordre des palmes académiques,
Distingués invités,
Mesdames, Messieurs,

C'est un grand plaisir pour moi d'accueillir à l'Université Laval les membres de l'Ordre des palmes académiques. Mes premiers mots de bienvenue et de remerciements seront pour M. Jacques Treffel, président de cette association qui nous fait l'honneur de tenir à Québec son premier congrès international loin de la France. Pour nous, qui avons pour mission de former la jeunesse de cette terre française d'Amérique et de l'aider à conserver son identité culturelle francophone, sachez que l'AMOPA est un modèle par son engagement envers la francophonie et la jeunesse. Pour moi, à titre plus personnel, le plaisir de vous accueillir se double d'un retour à mes souvenirs de jeunesse, moi dont les parents ont été tous deux directeurs d'écoles dans la Drôme et membres de l'Ordre des Palmes Académiques.

Vous êtes ici dans le premier établissement d'enseignement supérieur de langue française en Amérique du Nord. Les origines de l'Université Laval remontent en effet au XVIIe siècle, en 1663 plus précisément, à l'époque où le premier évêque de la Nouvelle-France, Mgr François de Montmorency Laval, fonde le Séminaire de Québec. Vous me permettrez un saut de plus de 200 ans dans l'histoire : c'est en 1852 que les Messieurs du Séminaire, comme on les appelait, obtiennent de la reine Victoria une charte royale établissant officiellement l'Université. Le supérieur du Séminaire, l'abbé Louis-Jacques Casault, deviendra le premier recteur de l'Université nouvellement créée qui offre, en plus de la théologie, des enseignements en médecine, en droit et en lettres.

En 1876, l'Université Laval crée une antenne à Montréal pour faire pendant à l'université anglophone, McGill, créée quelques années plus tôt et offrir aux jeunes montréalais francophones un enseignement universitaire dans leur langue. Cette antenne grandira et, grâce au dynamisme économique de la métropole, dépassera plus tard l'institution-mère pour acquérir sa pleine autonomie en 1920.

L'Université Laval poursuit son développement avec la création, au début de ce siècle, d'une école de chimie et d'une école des mines qui deviendront la Faculté des sciences et de génie en 1937, une école de commerce devenue Faculté des sciences de l'administration, une faculté de foresterie et, après la Seconde Guerre mondiale, une faculté des sciences de l'argiculture et de l'alimentation par absorption de l'école d'agriculture de La Pocatière, et enfin, une faculté des sciences de l'éducation lors de l'intégration des écoles normales dans le réseau universitaire au milieu des années 1960.

Au début des années 1950, l'Université Laval quitte le Quartier latin du Vieux-Québec où elle se trouve à l'étroit, et s'installe progressivement sur le campus où nous sommes aujourd'hui. La Révolution tranquille des années 60, qui voit tout le système d'enseignement québécois passer sous la responsabilité de l'État et bénéficier d'un financement public marque la dernière grande mutation de l'Université Laval. En 1971, une nouvelle charte confie les droits et pouvoirs de l'Université à un conseil présidé par un recteur élu et formé en majorité de représentants de la communauté universitaire. L'Université, qui avait été soutenue moralement et matériellement par les autorités religieuses du Séminaire de Québec, acquiert alors une complète autonomie, marquée par la mise en place d'une direction laïque (je suis seulement le quatrième recteur laïc après une longue série d'évêques-recteurs) et par un financement public.

La fin des années 60 voit également, au Québec, la création du réseau de l'Université du Québec, institution publique au statut distinct de celui de Laval, de McGill, de Montréal ou de Sherbrooke, et dont la mission première est la formation en région par un réseau de constituantes régionales à Trois-Rivières, à Rimouski, à Chicoutimi, à Hull, en Abitibi... et à Montréal. D'abord centrée sur la formation des maîtres, la mission de l'Université du Québec s'est rapidement élargie aux lettres, aux sciences, aux sciences de l'administration et à quelques secteurs de l'ingénierie.

Aujourd'hui, le réseau universitaire québécois avec ses institutions privées mais largement financées par le gouvernement, Laval, McGill, Université de Montréal, Concordia, Sherbrooke et Bishop's et le réseau public de l'Université du Québec offre des formations de baccalauréat, de maîtrise et de doctorat dans toutes les disciplines du savoir en même temps qu'il constitue le principal lieu de production de la recherche scientifique.

En 1999, à la veille du troisième millénaire, l'Université Laval est toujours un centre d'études supérieures qui a mis au cœur de ses préoccupations savantes la culture française en Amérique du Nord. C'est un établissement qui accueille plus de 35 000 étudiants et qui se range parmi les dix grandes universités de recherche au Canada. Elle compte 16 facultés et couvre à peu près tous les champs du savoir pour répondre aux besoins d'une population étudiante variée et d'un vaste territoire. Elle assure l'enseignement aux trois cycles d'études : baccalauréat, maîtrise et doctorat.
Elle est très active en recherche avec ses 120 M$ de subventions et contrats, en particulier dans les domaines de la médecine, des sciences pures et appliquées, des sciences humaines et des lettres.

Fondamentalement, l'Université Laval est fille de l'université médiévale : c'est un lieu voué à la production des connaissances et à la formation d'une relève savante. Mais sa mission se situe désormais dans le contexte d'une évolution rapide de la société. Le progrès spectaculaire de l'informatique et des télécommunications et l'internationalisation des échanges ont donné lieu à une nouvelle économie dans laquelle le savoir est un facteur prépondérant. Tout en restant à l'écoute des besoins de leur milieu, les établissements d'enseignement supérieur ont à relever un défi de taille : former des professionnels de haut niveau qui répondent bien aux besoins de l'économie du savoir sans tomber dans le piège de l'utilitarisme qui incite à combler exclusivement les besoins immédiats en main-d'œuvre spécialisée. La formation que nous dispensons doit plutôt fournir au diplômé les moyens d'exercer sa profession à court, à moyen et à long terme, lui fournir donc les moyens de s'adapter dans un univers de plus en plus rapidement changeant, lui apprendre à apprendre.

Pour relever ce défi, l'Université Laval a mis de l'avant quatre stratégies principales. Premièrement, la formation doit permettre à l'étudiant d'acquérir les compétences dans sa discipline, bien sûr, mais aussi des compétences liées au développement général de la personne. Le chimiste, le géographe, l'historien seront bien mal outillés pour exercer leur profession s'ils n'ont pas acquis, en même temps que les connaissances liées à leur discipline, une capacité d'analyse et de jugement critiques, des notions d'éthique, la maîtrise des nouvelles technologies de l'information, des aptitudes à travailler en équipe, la capacité de communiquer dans une langue correcte et, de plus en plus, dans d'autres langues.

Les programmes d'études de l'Université Laval font désormais une large place à cette formation fondamentale qui permet aussi une ouverture sur le monde. Ce qui m'amène à la deuxième stratégie. Nous voulons que nos étudiants acquièrent les compétences nécessaires pour travailler utilement dans un contexte international. Pour un pays comme le nôtre, qui dépend des exportations pour plus de 50% de son PNB, il est essentiel que son élite, ses diplômés universitaires, soient aptes à fonctionner dans des contextes culturels divers et à utiliser d'autres langues que le français. Au cours de leur cheminement universitaire, nos étudiants pourront désormais prendre connaissance de réalités sociales, économiques et culturelles autres que celles d'ici; ils pourront apprendre une deuxième, voire une troisième langue; ils pourront faire une partie de leurs études à l'étranger. Tout récemment, mes missions en Allemagne, en Chine, en Colombie et au Mexique m'ont confirmé l'importance d'élargir les horizons de formation, d'accroître la mobilité des étudiants et de nouer des relations avec des universités d'autres pays. Ainsi, au-delà de la France qui a toujours été un partenaire privilégié et de la Francophonie dans laquelle nous sommes des plus actifs, l'Université Laval vise à se situer au cœur d'un réseau serré de grandes universités de recherche en Europe, en Amérique du Nord, en Amérique latine et en Asie, pour permettre à ses étudiants de mettre le cap sur le monde.

Troisième stratégie. En raison de l'évolution fulgurante du savoir, les diplômés devront veiller à mettre à jour régulièrement leurs connaissances pour garder à leur diplôme toute sa valeur. Les programmes de formation continue revêtiront alors une grande importance. L'Université Laval s'est dotée, il y a quelques années, d'une Direction générale de la formation continue, qui travaille en collaboration étroite avec le milieu, c'est-à-dire avec les personnes, individuellement ou en groupe, qui souhaitent une perfectionnement professionnel, et avec les organismes et entreprises qui décèlent chez leur personnel un besoin de formation pour faire face au changement.

Je disais à l'instant que les universités doivent rester à l'écoute du milieu, et cette responsabilité revient à chaque faculté dans son champ de compétence. À cet égard, notre Faculté des sciences de l'éducation affiche un dynamisme particulier. Je ne vous apprendrai rien, à vous, enseignants chevronnés, que les futurs maîtres doivent pouvoir compter sur des stages pratiques dans leur milieu de travail. La Faculté des sciences de l'éducation dispose maintenant d'un Réseau bien structuré d'écoles associées qui accueillent ses étudiants. La Faculté abrite aussi des groupes de recherche dont la réputation dépasse les frontières du Québec. Enfin, elle étend son action de formation dans d'autres pays de la francophonie, notamment en Afrique.

Quatrième stratégie enfin, axée sur la recherche et le transfert technologique. Pour l'Université Laval, cette mission est particulièrement importante au moment où la région de Québec, la capitale, doit s'adapter à un fonction gouvernementale et administrative moins importante dans la foulée du mouvement universel de réduction des dépenses publiques, et où doit s'opérer une conversion de l'économie régionale.

Les forces de recherche de l'Université Laval dans tous les secteurs constituent le principal moteur de cette conversion économique :

- dans le secteur des biotechnologies médicales, où une cinquantaine d'entreprises sont nées des recherches effectuées dans nos facultés de médecine et des sciences;

- dans le secteur des biotechnologies agro-alimentaires et de la forêt, grâce à l'action de nos deux facultés sectorielles;

- dans le secteur de l'optique et de la photonique, où l'action de physiciens visionnaires il y a près de 40 ans a fait de Laval et de la région de Québec la capitale canadienne de l'optique;

- dans le secteur des nouveaux matériaux, des céramiques aux plastiques en passant par le magnésium, grâce aux recherches de mes collègues de sciences et de génie;

- mais aussi maintenant dans les secteurs du multimédia avec ses débouchés sur les industries de la culture;

- et enfin dans le domaine du tourisme avec un partenariat de plus en plus actif entre l'Université Laval et le Centre des congrès pour amener à Québec de grandes réunions internationales à l'image de la vôtre.

Bref, l'Université Laval, garante de la culture française en Amérique et lieu traditionnel de formation des élites québécoises et canadiennes, comme l'illustrent nos anciens qui sont actuellement premiers Ministres du Canada et du Québec ou ambassadeurs du Canada à Washington, à Paris, à Bonn ou à Moscou, l'Université Laval donc est aussi aujourd'hui le moteur économique de la capitale et de tout l'est du Québec, en même temps que sa fenêtre sur le monde.

Je vois que le temps file et qu'il est temps de conclure. Chers Amopaliens, certains d'entre vous en sont peut-être à leur premier voyage en terre d'Amérique. Je vous souhaite un séjour des plus agréable à Québec et au Québec, dans cette ville et cette province dont nous nous plaisons à dire qu'elle allie harmonieusement les traditions culturelles européenne et américaine. Mon vœu le plus cher serait que vous preniez goût au Québec, à son histoire et aux beautés de sa nature, et que vous y reveniez le plus souvent possible.

À tous, bon congrès!

 
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