entete Université Laval

INTERVENTION DE M. FRANÇOIS TAVENAS, RECTEUR DE L'UNIVERSITÉ LAVAL AU SALON INTERNATIONAL DU MONDE DES AFFAIRES : "RÊVER... POUR RÉALISER, OU LE DÉFI DE LA RECHERCHE COMME MOTEUR DE DÉVELOPPEMENT DE LA RÉGION DE QUÉBEC", Centre des congrès de Québec, le vendredi, 15 janvier 1999

Mesdames et messieurs,
Chers amis,

Lorsqu'on m'a invité pour me demander de prendre la parole ici aujourd'hui sur la question du Défi de la recherche comme moteur de développement de la région de Québec, il m'a semblé percevoir chez mes interlocuteurs une certaine gêne, un peu comme s'ils avaient le sentiment de m'infliger un devoir ou un pensum plus ou moins agréable. Pourtant, s'il y a quelque chose qui ne gêne pas le recteur de l'Université Laval, c'est bien de parler de la recherche et de son apport au progrès de notre région. Pour vous en parler, j'ai choisi de vous raconter quelques histoires riches d'enseignements pour nous, en ce début de 1999. Puis, j'essaierai de dégager des leçons de ces histoires. Enfin, je conclurai en partageant avec vous certaines de mes préoccupations envers le développement de l'Université et de la région.

Quelques histoires...

Ma première histoire commence en 1964, à la Faculté des sciences et de génie de l'Université Laval. Un groupe de professeurs du Département de physique, dont M. Albéric Boivin, décidait de se doter d'équipements communs et de s'adjoindre du personnel technique et administratif pour s'assurer de mieux remplir sa double mission, soit le développement des connaissances en optique et la formation de spécialistes. Certains qualifiaient ces professeurs de rêveurs... ou de gens qui vivaient dans le passé : l'optique, en 1964, c'était des miroirs et des lentilles !

Quatre ans plus tard, ce groupe de rêveurs recevait déjà un premier appui du CNRC, organisme qui, dès 1968, accorda des subventions de groupe importantes à leur laboratoire d'optique et d'hyperfréquence, le LOH. En 1974, au regard du développement des technologies optiques et du nouveau venu, le laser, qui allait révolutionner les communications, le groupe changeait d'identification pour devenir le laboratoire de recherche en optique et laser (LROL), et il se voyait reconnaître comme l'un des centres de recherche québécois importants par le ministère de l'Éducation du Québec. Le rêve prenait forme, d'autant plus que les chercheurs de l'Université avaient établi des ententes de collaboration avec GENTEC et CRDV. Le domaine de l'optique et du laser commençait à devenir un secteur de développement économique de la région de Québec.

En 1988, l'obtention par la Faculté des sciences et de génie d'une Chaire industrielle CRSNG/Québec-Téléphone en télécommunications optiques amenait à consolider au Département de génie électrique une deuxième concentration de chercheurs intéressés par les développements technologiques liés à l'optique. En somme, le rêve, devenu réalité, commençait à faire boule de neige en collaboration avec l'industrie.

Les chercheurs du LOH et du LROL décidèrent alors d'unir leurs efforts pour former un centre facultaire, soit le Centre d'optique, photonique et laser, reconnu officiellement depuis mai 1989. En 1990, le COPL obtient une subvention quinquennale du Fonds FCAR - volet Centre de recherche. Grâce à ce développement universitaire et à cause de la masse critique de chercheurs actifs dans le domaine de l'optique à l'Université Laval, voilà que nait en 1988 un Institut national d'optique, l'INO, dont le développement n'a pas cessé et s'accélère même depuis quelques années sous la direction de Jean-Guy Paquet.

Je crois que c'est assez clair: sans le groupe de rêveurs du Département de physique de 1964, il aurait été impossible de proposer sérieusement, lors du sommet économique de la région de Québec en 1983, un plan de relance de la région axé sur la recherche et le développement des technologies de pointe. Sans les rêveurs de l'Université, sans ceux qu'on appelle parfois avec mépris des " logues ", la recherche de pointe ainsi que le transfert technologique dans le domaine hautement stratégique de l'optique et de la photonique se feraient plutôt ailleurs qu'à Québec.

Sans les rêveurs de 1964 et sans tous les professeurs qui ont développé les programmes de formation en optique et en génie optique, les progrès fulgurants d'EXFO ingénierie n'auraient pas pu se réaliser depuis sa création à Québec en 1985. Comme vous le savez, cette entreprise conçoit et fabrique des appareils de test et de mesure sur fibre optique et elle occupe une niche stratégique dans un marché mondial. C'est une entreprise en pleine expansion avec un taux de croissance de 50% par an, qui a reçu entre autres le prix "créateur d'emploi" durant quatre années consécutives; et ces emplois, elle a pu les combler surtout grâce aux ingénieurs, aux physiciens, aux informaticiens formés à l'Université Laval.

Une autre histoire...

Dans un tout autre domaine, voici une histoire un peu plus récente, mais tout autant porteuse d'avenir. Nous sommes en 1994. Le docteur Yves Fradet est professeur-chercheur à la Faculté de médecine et médecin à l'Hôtel-Dieu de Québec. Aujourd'hui, il est toujours professeur, chercheur et médecin mais, en plus, il dirige DiagnoCure, firme biopharmaceutique établie à Sainte-Foy, qui compte une cinquantaine d'employés, dont 16 sont titulaires d'un doctorat et huit d'une maîtrise. L'entreprise emploie présentement 22 diplômés de l'Université Laval, et elle est spécialisée dans la technologie des tests diagnostiques, des vaccins et des thérapies pour les cancers génito-urinaires et les cancers du sein.

Officiellement, la métamorphose de cet universitaire en entrepreneur a commencé lors de Bio-Contact 1994, une activité qui réunissait des chercheurs et des gens d'affaires de la région dans le but avoué de faire fructifier les découvertes scientifiques. Mais, officieusement, Yves Fradet savait depuis un bon moment qu'un jour, il se lancerait en affaires. "Lorsqu'un chercheur fait une découverte, il peut la breveter et en retirer des redevances mais, en bout de ligne, il ne reste pas grand-chose dans la région. Ça fait longtemps, disait-il dans une entrevue, que j'ai une vision, que je vois la possibilité d'attirer des investissements et de créer dans la région quelque chose qui pourrait ressembler, à moyen terme, à une industrie pharmaceutique." Voilà donc un autre rêveur.

Profitant de la tribune offerte par Bio-Contact, Yves Fradet expose à son auditoire le fruit de longues années de recherche: un test diagnostique pour le cancer de la vessie. La présentation d'Yves Fradet ne tombe pas dans l'oreille de sourds. Serge Pitre, qui a fait carrière dans l'industrie pharmaceutique, et René Kirouac, ex-directeur des affaires publiques à l'Institut de recherches cliniques de Montréal, le contactent aussitôt et entament des discussions qui conduisent à la création de DiagnoCure. Pour Yves Fradet, les tâches administratives que doit accomplir tout chercheur donnent une bonne base en gestion, mais pour lancer sérieusement une entreprise, il faut s'associer à des gens d'affaires. La Caisse de dépôt et de placement a investi 3 M $, Lévesque Beaubien Geoffrion Capital a ajouté 2,5 M $ et la Société Innovatech Québec-Chaudière-Appalaches a complété le financement avec 500 000 $.

Cumuler les postes de professeur, de médecin et d'entrepreneur ne pose pas de problème éthique à Yves Fradet, parce qu'il a pris soin de signer toutes les ententes nécessaires avec la direction de l'Université avant de plonger. Pour le docteur Fradet, un chercheur universitaire devrait toujours mettre cartes sur table avant de se lancer en affaires. Sinon, qu'il y ait conflit d'intérêts ou non, les apparences jouent toujours contre lui par la suite. Pour le reste, Yves Fradet est convaincu que si on veut vraiment développer des entreprises de pointe et des emplois spécialisés dans la région, il faut encourager l'esprit d'entreprise des professeurs et le milieu devra se montrer ouvert à leurs activités.

On le voit donc encore une fois: la recherche universitaire peut conduire à la création d'entreprises et d'emplois dans la région, à condition que le milieu accepte l'existence des professeurs-entrepreneurs. Pour conclure cette histoire à succès de chez nous, j'ajoute que DiagnoCure Inc., les chercheurs Yves Fradet et René C. Gaudreault ainsi que l'Université Laval ont été en 1998 les premiers récipiendaires du prix Friesen-Rygiel, institué par le Canadian Medical Discoveries Fund. Ce prix, doté d'une bourse de 10 000 $, a été décerné par un comité de sélection indépendant formé de scientifiques canadiens de renommée nationale et internationale, dont Michael Smith, prix Nobel de chimie en 1993.

Je pourrais continuer longtemps à vous raconter d'autres histoires qui, je le regrette, ne font pas souvent la une de nos médias, mais qui sont et continuent d'être de belles histoires à succès, réalisées par des professeurs d'ici, par des gens d'affaires d'ici, et qui font que la conversion à l'économie du savoir est en train, plus vite qu'on le croit, de devenir une réalité porteuse d'avenir pour la région et ses habitants.

Ainsi, je pourrais vous raconter l'histoire de Précitech, entreprise québécoise dont le siège social est dans le Parc technologique du Québec métropolitain, qui a démarré officiellement ses activités en 1992, et qui emploie maintenant 55 personnes. Cette année, son chiffre d'affaires atteint 4 M $. Précitech produit des pièces métalliques complexes, pour divers marchés. Grâce à la métallurgie des poudres, développée en collaboration avec les chercheurs de l'Université Laval, elle parvient à fabriquer des pièces impossibles à produire avec les méthodes traditionnelles de coulage ou d'usinage du métal. Une quinzaine d'étudiants-chercheurs ont tiré profit de la collaboration Laval/Précitech pour réaliser des travaux collant de près aux besoins de l'industrie. Grâce à ce partenariat, les étudiants reçoivent une formation dans des conditions typiques de l'industrie et ils peuvent voir l'évolution du produit qu'ils ont conçu de la planche à dessin jusqu'à la sortie de l'usine. C'est pour eux une expérience inestimable, et Précitech a embauché 80 % des diplômés qui y ont travaillé. Précitech a remporté en 1998 un des sept prix Synergie du CRSNG et du Conference Board, devant plus de 60 projets université-entreprises, au terme d'un concours national qui a connu son dénouement à Halifax en novembre dernier.

Je pourrais aussi vous raconter l'histoire du Réseau GÉOÏDE dirigé par Keith Thomson du Département des sciences géomatiques de l'Université Laval. La géomatique est un tout nouveau domaine (le mot même n'existait pas il y a une dizaine d'années) qui, par son potentiel, fait penser à l'avènement du laser en 1964. Avec la présence de notre centre de recherche en géomatique, des activités du CEGEP de Limoilou dans le domaine, et du Centre de Développement de la Géomatique qui regroupe plusieurs entreprises, de domaine en pleine croissance est en train de devenir un des grands axes de développement de la haute technologie dans la région, au même titre que l'optique ou la biotechnologie médicale. C'est notre Centre de recherche en géomatique qui a été l'artisan de ce réseau national composé de 99 chercheurs provenant de 24 universités canadiennes et de 27 sociétés liées au domaine de la géomatique. Avec 15 chercheurs des facultés de foresterie et géomatique, des sciences et génie, des sciences sociales, d'aménagement, architecture et arts visuels, des sciences de l'administration, de médecine et de lettres, l'Université Laval assume non seulement la direction administrative du réseau; elle en est aussi le principal acteur au plan de la recherche. L'objectif de GÉOÏDE est de consolider et de développer la recherche canadienne en géomatique, de rendre l'industrie canadienne de la géomatique encore plus concurrentielle sur le marché international et de favoriser le partenariat entre les secteurs universitaire, privé et public.

Le programme des réseaux de centre d'excellence vise à stimuler la recherche de pointe, fondamentale et appliquée, dans des domaines essentiels au développement socio-économique, à former des scientifiques et des ingénieurs de calibre international, à créer des partenariats de recherche multidisciplinaires d'envergure nationale. A ce sujet, voua aurez peut-être noté l'extraordinaire regroupement de facultés actives dans ce projet : c'est effectivement la grande caractéristique de la géomatique que d'impliquer de façon intégrée des spécialistes de physique, d'informatique, de géodésie, de géographie, de sciences politiques, d'arts visuels ou d'épidémiologie pour n'en citer que quelques uns; cela ne saurait surprendre quand on réalise que l'objet de la géomatique est de fournir des méthodes d'analyse et de gestion de l'activité humaine en interaction avec la planête. Et c'est dans la région de Québec que ce domaine extraordinaire est en train de se développer grâce à la vision que Keith Thompson et ses collègues ont eu il y a une quinzaine d'années.

Quelques leçons de ces histoires...

Ces histoires à succès ne nous enseignent pas seulement que des chercheurs, animés d'un rêve, d'une passion, peuvent faire fructifier le fruit de leurs recherches et en faire profiter leurs concitoyens par la création d'entreprises et d'emplois de haut niveau. Elles nous enseignent aussi que le moteur central de la compétitivité, ce sont d'abord les idées, et ensuite, des gens capables de mettre ces idées en œuvre, de les réaliser.

Mener des idées jusqu'aux limites de leur potentiel pour en découvrir les applications et ce, dans tous les domaines du savoir, c'est la tâche de la recherche avancée. Le premier défi qui nous interpelle, c'est donc de former des chercheurs de haut niveau. Mais former des gens capables de découvrir les applications de la recherche, de transformer ces applications en produits commercialisables et de créer les entreprises pour fabriquer ces produits, c'est un défi tout aussi important que le premier. Il nous faut donc former des personnes capables d'obtenir avec l'Université et ses chercheurs les brevets nécessaires pour amorcer le processus du développement.

D'aucuns pourraient dire que nos bon vieux " patenteux " d'autrefois arrivaient à faire aussi bien, parfois sans grande formation. C'est vrai qu'il y a, à cet égard, quelques histoires intéressantes à écouter, dont celles d'Henry Ford ou de Joseph-Armand Bombardier. Mais en 1999, dans une période de l'histoire marquée par le développement mondial fulgurant de l'économie liée à la connaissance, liée au savoir, le développement de la région ne peut reposer sur la seule initiative de patenteux, si bien intentionnés soient-ils.

Il faut réaliser qu'aujourd'hui, par exemple, dans le domaine des biotechnologies, celui qu'on appelle un bon " ouvrier qualifié " doit être titulaire d'un doctorat, d'un Ph.D. C'est en raison de ces défis et de la nouvelle réalité économique que les universités, ici comme partout ailleurs, sont au cœur même du développement économique. Elles le sont en raison de leur capacité de mettre à la disposition de la nouvelle économie les compétences qu'elle requiert, en raison aussi du potentiel de recherche que représentent leur corps professoral et leurs étudiants, notamment aux cycles supérieurs. On sait que la disponibilité de main-d'œuvre spécialisée est la condition essentielle de l'implantation d'une entreprise et un facteur clé de sa croissance. Voyez, par exemple, la société EXFO, qui doit engager une centaine d'ingénieurs cette année. Voyez aussi les indications qui ressortent de l'enquête sur l'innovation dans les entreprises manufacturières, dont le GATIQ a dévoilé les résultats cette semaine : la disponibilité de main d'oeuvre hautement qualifiée est un des grands facteurs qui favorisent l'innovation technologique.

Mais la meilleure formation qui soit n'est plus la seule condition de succès. Une autre qualification devient obligatoire en cette fin de XXe siècle, c'est l'ouverture à l'international. À cet égard, les universités sont encore une fois au cœur du développement économique parce que le marché est maintenant essentiellement international. Demandez à Germain Lamonde, ou à Placide Poulin, ou encore à Charles Sirois, à Paul Drouin, à Louis Tétu, si leur marché et leur compétition est à Québec ou à Montréal. Le marché, dans la haute technologie, n'est pas autre chose que mondial. La compétition est, plus que jamais dans l'histoire, devenue globale. Pour cette raison, ce que nous appelons à l'Université Laval "l'internationalisation de la formation " constitue peut-être la nouveauté la plus prometteuse pour le développement de notre région.

Nous voulons que nos étudiants, peu importe leur discipline, soient formés à l'international. Nous voulons qu'ils possèdent, en plus de leur diplôme, une deuxième ou même une troisième langue. Nous voulons que le plus grand nombre possible d'entre eux puissent étudier à l'étranger durant un ou deux trimestres. Nous voulons aussi attirer ici le plus grand nombre possible d'étudiants étrangers qui seront nos ambassadeurs et nos partenaires d'affaires une fois rentrés chez eux. Cette ouverture à l'international est donc un facteur de développement précieux dans une économie globale.

Autre facette digne de mention. On le sait, aujourd'hui, tout le monde est multinational, y compris la toute dernière P.M.E. Mais ce n'est pas tout le monde qui a le loisir ou la capacité de se tenir au fait des progrès scientifiques dans tous les domaines. Là encore, les universités sont l'outil par excellence de la veille technologique, parce que nos chercheurs sont en réseau global. Il y a 40 ou 50 ans, les chercheurs se voyaient annuellement dans des congrès une ou deux fois l'an, lisaient les progrès de la recherche dans les revues scientifiques. Aujourd'hui, tout cela existe encore, mais ils communiquent par Internet trois fois par semaine, sinon plus. Qu'on se le dise: nos chercheurs cherchent en réseau en permanence, parce qu'il n'y a pas de progrès scientifique sans échange constant d'idées. Il y a là un moyen extraordinaire pour les entreprises de haute technologie de la région de renforcer leur position concurrentielle en étant au courant des derniers

Aussi, il ne faut pas se surprendre que, dans une région comme Québec, l'Université Laval soit au cœur de bien des choses, et que le redéploiement de l'économie régionale passe d'abord et avant tout par l'application des résultats de la recherche réalisée dans les laboratoires de l'Université par les professeurs et les étudiants des deuxième et troisième cycles. Je suis heureux de vous indiquer, d'ailleurs, que Laval est parmi les premières universités canadiennes, à avoir inclus le transfert technologique dans son énoncé de mission. Pour nous, les applications de la recherche et le transfert technologique, c'est primordial. C'est pour cette raison que nous avons décidé de créer une corporation de gestion du transfert technologique, la CVAR, dont la mission sera de prolonger l'action de notre bureau de valorisation des applications de la recherche, le BVAR, pour mieux aider nos chercheurs à faire le pont entre le monde de la recherche et celui de l'entreprise, pour conserver, autant que faire se peut, les retombées économiques de la recherche universitaire et pour attirer dans la région de Québec du capital public et privé.

Dans la chaine de l'innovation, si bien analysée par le Conseil de la Science et de la Technologie du Québec, la CVAR viendra combler la dernière lacune dans un système qui implique, à partir du laboratoire de recherche universitaire, le BVAR qui négocie les contrats de recherche, analyse les produits de recherche qui ont un potentiel économique et les protège par la prise de brevet, Innovatech qui, par le biais de l'entente avec l'Université Laval, finance le développement du produit pour l'amener à un stade où il peut être repris pour exploitation par une entreprise, les organismes publics ou privés de financement comme Innovatech, Bio-capital ou le C2T2 qui participent au financement des entreprises en développement, le Parc Technologique de la région de Québec qui peut accueillir les jeunes entreprises de haute technologie à fort contenu de R & D. La CVAR jouera un rôle complémentaire à Innovatech dans la valorisation de s produits de la recherche et dans la mobilisation de partenaires pour capitaliser les entreprises créées pour développer et exploiter ces produits. La CVAR aura également la responsabilité de gérer le portefeuille de propriété intellectuelle de l'Université Laval, portefeuille appelé à comprendre de plus en plus des participations dans le capital des entreprises issues des recherche faites à Laval.

De façon complémentaire à toutes ces actions, il me faut enfin souligner les développements très interessants qui se font en ce moment à notre faculté des sciences de l'administration. Toutes les études faites sur la problématique du développement des entreprises de haute technologie montrent qu'une des grandes faiblesses, dans la région de Québec, réside dans l'insuffisance de l'expertise sur des problèmes très particulier de gestion de la haute technologie : évaluation du marché et du risque, montage de financement complexe, marketing international, etc. Notre faculté à bien identifié ces insuffisances et est en train de se structurer pour y répondre, par ses expertises propres et par la mobilisation de ses réseaux de contacts; le projet de création du CEFTEC devrait très bientôt être en place pour répondre à ce besoin des milieux de la haute technologie de la région de Québec.

Conclusion

Je vous ai raconté quelques histoires à succès qui, de l'idée et du rêve de chercheurs de l'Université, ont amené la création dans la région d'entreprises à haute valeur ajoutée, d'emplois de haut niveau. Je vous ai expliqué pourquoi, dans le contexte de la nouvelle économie du savoir, l'université était au cœur du développement, et que c'est particulièrement vrai ici, dans la région de Québec avec l'Université Laval.

Je me dois aussi de vous faire part de certaines de mes préoccupations. Les histoires à succès de la recherche à l'Université Laval, c'est par dizaines qu'on peut les compter. Vous avez, dans votre université, plus de 1500 professeurs, dont environ les deux tiers reçoivent des subventions de recherche. L'Université Laval, c'est 120 M $ de fonds de recherche qui se dépensent dans la région chaque année.

Mais ces 120 M $, ce n'est pas le recteur ou la vice-rectrice à la recherche qui vont les chercher. Ce sont nos professeurs-chercheurs qui vont les chercher auprès des organismes subventionnaires fédéraux et québécois et dans une proportion grandissante, auprès des entreprises par la recherche contractuelle.

Cependant, pour reprendre l'expression du démographe David Foot, " tout le monde vieillit d'un an par année ", et la pyramide d'âge de notre corps professoral se ressent, comme partout ailleurs, de l'effet du baby-boom de l'après-guerre. De plus en plus de nos bons professeurs chercheurs arrivent à l'âge de la retraite, ou s'en approchent. Or la situation financière de l'Université Laval rend difficile le nécessaire renouvellement du corps professoral ; ainsi, nous sommes forcé d'envisager de ne remplacer qu'un professeur sur deux, et je crains que même cet objectif soit encore ambitieux. C'est un premier volet de mes préoccupations. Il faut en effet réaliser les effets d'entrainement d'un renouvellement insuffisant du corps professoral : incapacité à ouvrir des axes de recherche ou à renforcer les équipes existantes dans les nouveaux secteurs en croissance rapide comme la Géomatique, réduction de notre capacité d'attirer des fonds de recherche dans la région de Québec - à ce sujet il faut savoir que chaque professeur de Laval attire en moyenne 80 000 $ de subventions qui profitent à Laval et donc à la région de Québec -, réduction de notre capacité de formation et d'encadrement des étudiants avec les conséquences négatives sur la disponbilité de main d'oeuvre de haut niveau dans la région. Ce qui se passe chez nous sous l'effet de la réduction du financement de l'enseignement supérieur a des effets d'entrainement considérables sur toute l'économie de la région et sur la capacité de redéploiement de notre économie vers les secteurs de la haute technologie.

Mais j'ai d'autres préoccupations. Nos professeurs chercheurs, je vous l'ai dit, agissent dans un contexte global, international. Nos meilleurs professeurs sont la cible d'efforts constants de recrutement de la part d'universités pas mal plus riches que nous. Et malheureusement il commence à y en avoir beaucoup : toutes les autres provinces canadiennes, où les budgets par étudiants sont 20 à 50 % plus élevés qu'au Québec, les Etats-Unis où les fonds disponibles sont 50 à 100% plus élevés dans les institutions publiques (et je ne parle pas des Harvard, MIT, Stanford ou Yale, où les fonds disponibles sont 5 à 10 fois plus importants, et maintenant l'Europe : je rentre d'une mission en Allemagne où j'ai vu, en Bavière, des recteurs qui disposent de 3 fois plus de budgets par étudiant que moi! Or il faut bien comprendre que les diplomés universitaires que nous formons seront, demain, en concurrence directe avec les jeunes canadiens, les jeunes américains, les jeunes allemands formés avec ces moyens beaucoup plus importants que les nôtres, et donc, inévitablement mieux préparés à appuyer la compétitivité intenrationale de leur entreprise.

Si nous voulons, ensemble, réussir le défi de la conversion de l'économie québécoise et assurer un brillant avenir à nos industries de haute technologie, il est donc essentiel et urgent que le financement des universités soit rétabli à un niveau qui nous permette de mieux assurer notre capacité compétitive sur les scènes nationale et internationale. Il nous faut pouvoir maintenir notre capacité de renouvellement et de redéploiement du corps professoral et, ce faisant, maintenir la pertinence et la qualité de nos programmes de formation pour que les ingénieurs qui seront demain à l'emploi de Bombardier, de Prevost Car ou d'EXFO soient aussi bons que ceux de Boeing, de BMW ou de Siemens.

Je termine. Vous m'avez invité à venir vous entretenir du Défi de la recherche comme moteur de développement de la région de Québec. Ce défi repose sur la formation des chercheurs, sur celle des entrepreneurs et sur l'internationalisation de la formation de ces personnes. Pour être un membre du groupe sélect des dix universités canadiennes engagées en recherche, l'Université Laval a très bien tiré son épingle du jeu jusqu'ici, et la région de Québec en profite tous les jours. Bien sûr, il y a une conjoncture difficile qui menace ces acquis, et qui menace donc la région. Mais je suis sûr qu'avec votre appui actif, l'Université et la région sauront surmonter les difficultés actuelles pour que tous ensemble, nous puissions, à l'instar des chercheurs, continuer à rêver pour réaliser.

Je vous remercie de votre attention.

 
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